La décision d'exécution de la Commission européenne, en application du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil relatif au niveau de protection adéquat des données à caractère personnel, au titre du cadre UE-États-Unis de protection des données à caractère personnel, vient de tomber. Et, avec elle, mes dernières illusions sur la capacité de ladite Commission à s’affirmer face aux Etats-Unis.
Si mes espoirs restaient ténus, je dois dire que je ne m’attendais pas à un abandon aussi déshonorant, en rase campagne, des intérêts européens. La résolution adoptée le 13 avril dernier par les députés européens de la Commission des libertés civiles, m’avait en effet fait accroire qu’un miracle était encore possible. Il y était affirmé avec pertinence que le cadre proposé de protection des données UE-USA constituait une amélioration, mais que l’avancée n’était pas suffisante pour justifier une décision d’adéquation sur les transferts de données personnelles.
La Commission des libertés civiles soulignait aussi que le cadre juridique américain permettait encore la collecte en masse de données personnelles dans certains cas, puisqu’il ne la soumettait pas à une autorisation préalable indépendante et ne prévoyait pas de règles claires sur la conservation de ces données. De forts doutes étaient aussi émis sur la Data Protection Review Court et les possibilités de recours envisagées.
Autant de mises en garde que la Commission européenne, faisant fi des avertissements du Parlement, et donc du Parlement lui-même, a balayées d’un revers de main, se livrant à un troc déshonorant qui peut se résumer ainsi : investissements américains en matériel militaire dans le conflit ukrainien et gaz d’outre-Atlantique, contre les données des Européens.
La France, qui n’a pas su (ou voulu) se faire entendre, est sans conteste l’idiote utile, la grande perdante, de ce nouvel épisode européen. L’Allemagne, principale bénéficiaire à court terme de ce deal, préserve son approvisionnement en gaz et son industrie. Quant à l’Europe, elle perd encore une fois l’occasion de s’affirmer, de devenir adulte.
Alors pourquoi avoir mis tant de mois à rendre une décision qui challenge si peu les conditions américaines ? Pourquoi courir le risque d’un recours devant la CJUE, qui a de grandes chances de statuer en défaveur des dispositions prises et de reporter sine die l’accord prétendument recherché ? Parce qu’il s’agit avant tout d’une course contre la montre. Le temps joue en faveur du plus fort. Le capharnaüm juridique ainsi entretenu permet aux multinationales américaines des technologies de l’information et de la communication d’agir comme elles l’entendent, ou presque, de creuser leur avance, déjà considérable, au détriment de l’écosystème européen, et plus généralement de l’économie du vieux continent qui risque de ne pas s’en remettre.
Philippe Latombe
Député de la Vendée
Philippe LATOMBE